Stephen Kibsey et ses étudiants du cours de comptabilité de la durabilité et environnementale à l’Université McGill ont décerné leur prix du meilleur rapport de développement durable 2020 à la société minière canadienne Teck Resources Limited (Teck).
Transparence et matérialité au sein du secteur minier
L’équipe devait analyser les rapports de développement durable d’entreprises du secteur minier, qui a sans doute été la cible clé des critiques par le passé. Sous la loupe des ONG, des groupes environnementaux et des organismes à vocation sociale, les sociétés minières ont redoublé d’efforts pour améliorer leur image et leurs pratiques.
« Je crois que c’est particulier, la manière dont l’industrie minière a créé des protocoles, surtout au Canada, dans le cadre du programme Vers le développement minier durable de l’Association minière du Canada, pour s’assurer que tout évolue dans la bonne direction et qu’il y ait une vérification par des tiers », souligne M. Kibsey.
Les principaux défis des entreprises minières en matière d’enjeux matériels sont leur réaction aux changements climatiques, la gestion des digues à rejets, l’acceptation sociale et l’interaction avec les communautés. « Je recommande aux étudiants de ne pas porter attention seulement aux éléments matériels, mais également à ce qui n’est pas mis en évidence en suivant un cadre établi d’évaluation de la durabilité », mentionne M. Kibsey. Il invite les membres du jury à exercer leur propre jugement, ainsi qu’à examiner chacun des acteurs internes d’une entreprise, en tenant compte des enjeux particuliers qui les touchent.
Comparabilité des données
Comme c’est le cas pratiquement chaque année, l’analyse comparative est une technique dominante en reddition de comptes. « Depuis une quinzaine d’années, tant en enseignement que dans mes recherches, je réalise qu’il importe d’observer les choses d’une façon absolue, sans recourir toujours à un quelconque consensus, puisque les conditions sont très différentes pour chaque entreprise », explique M. Kibsey. « Pensez aux enjeux relatifs à la communauté à concilier pour une société qui mène des activités en Afrique, puis à ceux d’une entreprise qui exploite à Val d’Or… il y a très peu de comparabilité ici », lance-t-il. Lorsqu’il est question d’évaluer l’utilisation de l’eau par exemple, les ressources disponibles peuvent faire toute la différence. Les étudiants sont donc très prudents lorsqu’ils considèrent les données de pointage et classement ESG, ne connaissant pas toujours la méthodologie exacte employée.
Un exercice très pertinent pour les étudiants universitaires
« Je crois que le concours permet de préparer la nouvelle génération à mieux comprendre la durabilité, mais il contribue aussi à démontrer aux dirigeants tous les renseignements utiles qui s’offrent à eux pour leur analyse d’investissement », indique Stephen Kibsey. « Les étudiants et leurs mentors sont des parties prenantes clés dans cette évolution, même si leur analyse des rapports repose sur la divulgation surtout et pas nécessairement sur la mise en œuvre des programmes de durabilité des entreprises évaluées », précise-t-il.
Un peu comme le fait la Task Force on Climate-Related Financial Disclosures (TCFD), les étudiants peuvent ainsi poser un regard critique sur le contenu de reddition de comptes, en plus d’encourager les meilleures pratiques.
« C’est impératif de donner aux étudiants les outils et les connaissances pour réaliser les objectifs de développement durable à atteindre d’ici 2030, et pour l’atténuation des changements climatiques », affirme M. Kibsey.
Pour enseigner la durabilité aux étudiants, tant en comptabilité, en marketing, en finances, en économie ou à la MBA, le rapport de développement durable est l’outil de communication des entreprises qui est disponible pour toutes les parties prenantes. « C’est bien qu’il ne s’adresse pas exclusivement aux investisseurs », souligne M. Kibsey. « C’est en fait la mission de ce document, de montrer aux investisseurs que l’entreprise doit tenir compte des autres parties prenantes, pour favoriser la durabilité. Nous devons convaincre aussi les entreprises, les gouvernements, les ONG et les consommateurs. »
Le concours permet aux étudiants de développer les compétences pour le travail d’équipe, de mettre à profit leur jugement personnel, en plus de découvrir les meilleures pratiques et les mesures actuelles des entreprises pour présenter leurs programmes de durabilité. « Si nous n’avions pas ce défi comme tel, nous le ferions probablement nous-mêmes, de manière indépendante », dit M. Kibsey. « Le fait d’y participer avec d’autres universités offre un certain esprit communautaire aux étudiants et aux professeurs. De plus, le travail très sérieux des étudiants pour tirer leurs conclusions, tout cela les mène d’une certaine façon du milieu universitaire vers le monde du travail. »
La divulgation au cœur des activités de Teck
Avec son siège social à Vancouver, Teck est la plus importante entreprise de ressources diversifiées au Canada. Elle mène également des activités au Chili et aux États-Unis.
La société émet un rapport de développement durable en vertu de la Global Reporting Initiative (GRI) depuis maintenant 19 ans. « Nous savons que l’exploitation minière est une industrie qui peut avoir un impact, tant social qu’environnemental, alors faire preuve de transparence est essentiel pour maintenir nos relations avec nos parties prenantes, telles que le gouvernement, les organismes de réglementation, les communautés locales et le public d’investisseurs », indique Katie Fedosenko, gestionnaire de la divulgation sur le développement durable chez Teck. Le rapport GRI de l’entreprise est en outre une condition à son adhésion au International Council on Mining and Metals, qui fait la promotion de la transparence et de la divulgation dans l’ensemble de l’industrie minière.
En mettant à profit plus de 20 classements et pointages ESG, Teck identifie toute lacune en matière de divulgation en utilisant le GRI comme cadre de travail. Son rapport de développement durable est ainsi un document clé pour toute implication auprès des investisseurs et autres parties prenantes. L’entreprise présente également un index SASB (Sustainability Accounting Standards Board) et dévoile des données aux Nations Unies, en tant que membre du United Nations Global Compact.
Contenu d’un rapport de développement durable gagnant
« La durabilité est dynamique et à revoir de façon continue. Regardez ce qui se produit avec la COVID-19 : des changements rapides s’effectuent et mettent en lumière l’importance grandissante de l’ESG, de la gestion du capital humain à l’engagement des employés et à la santé et sécurité », souligne Mme Fedosenko. Teck prend donc très au sérieux la durabilité et en a fait l’une de ses valeurs fondamentales.
Le rapport de développement durable de Teck présente environ 60 séries de données ESG. Des experts examinent les activités de l’entreprise et PricewaterhouseCoopers assure la qualité des données d’après les indicateurs de rendement clés. « Nous effectuons une évaluation de matérialité annuelle qui implique des analyses comparatives avec une gamme de sources différentes, en travaillant avec nos parties prenantes externes, des communautés aux investisseurs et aux clients, afin de comprendre ce qui est important pour eux », indique Mme Fedosenko.
Le rapport de développement durable repose sur une matrice de matérialité qui tient compte des thèmes les plus significatifs pour l’entreprise. Les six thèmes clés du rapport de 2019 étaient la santé et la sécurité, la gestion des eaux, les relations avec les peuples autochtones, les relations avec les communautés, la gestion des digues à rejets, et les changements climatiques.
L’avenir de la planète en tête
À tous les cinq ans, Teck actualise sa stratégie de développement durable. Elle a lancé cette stratégie en 2010, établissant ses objectifs à réaliser d’ici 2015, ainsi que des objectifs à long terme à atteindre avant 2030. Elle a lancé récemment une nouvelle stratégie qui comprend des objectifs à court terme pour 2025 et des objectifs à long terme couvrant jusqu’à deux décennies. « Vous verrez dans notre rapport de développement durable de 2019 la mise à jour de notre stratégie avec des objectifs jusqu’à 2040, 2050 et plus, en particulier notre engagement à devenir une entreprise carboneutre d’ici 2050 », explique Mme Fedosenko.
Teck vise entre autres à réduire la quantité d’électricité qu’elle obtient de sources émettrices de carbone et à opter pour une électricité renouvelable et l’énergie solaire ou l’énergie propre, à ses installations du Chili. « Dans certains cas, nos objectifs concernent une activité, alors il faut regarder les éléments quantitatifs et qualitatifs de notre rendement », souligne Mme Fedosenko.
Réduire son empreinte carbone et prendre des mesures pour le climat font partie des priorités de Teck. Par exemple, Teck produit du cuivre, qui est requis pour l’électrification. « Nos produits, du cuivre au charbon destiné à la fabrication de l’acier ou encore au zinc, contribuent à la transition vers une économie à faible bilan carbone », relève Mme Fedosenko.
L’investissement comme moteur de changement
Le nombre de signataires des actifs sous gestion des Principes de l’investissement responsable de l’ONU a grimpé à près de 2,300, pour environ 86 trillions d’actifs sous gestion, un bond rapide en seulement cinq ans. Ces chiffres ne peuvent qu’augmenter, en lumière de la réaction des entreprises à la COVID-19. « Les priorités environnementales demeureront, mais j’anticipe un virage vers le côté social des choses : la gestion du capital humain, l’engagement des employés, de meilleurs salaires et tous ces enjeux sociaux qui ont été reconnus mais sont délicats à traiter », rappelle Mme Fedosenko.
Mélanie Pilon, journaliste pour l’Initiative de la finance durable de Finance Montréal.